Les projets architecturaux prospectifs de VAL reflètent la capacité de l’art moderne à s’affranchir des limites existantes. Ils procurent dans le même temps un espace de communication entre l’humanité et son contrepoint – le monde hermétique d’un art réservé à l’élite. Ces projets visionnaires n’ont pas été conçus sur mesure; ils ont vu  lu jour sans aucune commande ni la moindre chance d’être mis en œuvre. Les membres de VAL, Viera Mecková, Alex Mlynárčik et Ľudovít Kupkovič, ont toujours appréhendé leurs projets comme une synthèse de la science, de la technologie, de l’art et de la nature, tout en s’efforçant de saisir la réalité et de démystifier l’art. Ces projets sont l’incarnation du désir exprimé par le membres de VAL, de trouver leur propre espace de liberté, en explorant différentes visions spatiales et temporelles de la réalité. Les auteurs de VAL ont commencé leur coopération en 1968, au moment de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques et celle des autres pays « frères » du Pacte de Varsovie; la coopération s’est poursuivie pendant les années de normalisation jusqu’en 1989, et ne s’est pas interrompu avant 1994, le contexte politique et social ayant définitivement changé.

Au cours des années de normalisation, le travail en commun a constitué un refuge, vis-à-vis de la pénible réalité du socialisme « réel »,  marquée par l’absence de liberté de création et l’impossibilité de présenter des œuvres d’art sans avoir à satisfaire aux critères établies par les comités d’inspection artistique mis en place sous la supervision du grand frère soviétique.

Les projets de VAL restent incroyablement intemporels. Ils s’inscrivent bien sûr dans l’esprit du nouveau réalisme, mais leurs auteurs ne se sont heureusement fixés de limites et ont également apporté leur vision d’un monde meilleur. L’exposition Superlund sur l’avenir du monde et la fonction de l’art qui s’est tenue en 1967 dans la ville suédoise de Lund, en offre un aperçu. Voici comment Pierre Restany a caractérisé l’exposition : « UN PARI SUR L’AVENIR. Il s’agit de remettre l’homme dans le tableau  qui ne cesse de croître dans ses dimensions spatiales et plastiques, jusqu’à ce que le « tableau » actuel devienne une synthèse du mouvement de la structure de l’existence humaine ». La première exposition de VAL s’est tenue en secret en 1977 à Paris, à la galerie Lara Vincy, avec la complicité du théâtre de marionnettes de Žilina, dont les membres ont parvenu à faire sortir clandestinement du pays trois projets de VAL, dissimulés parmi des éléments de décor et des accessoires de théâtre. La première exposition organisée dans l’ancienne Tchécoslovaquie n’a eu lieu qu’en 1996. Elle a été inaugurée à la galerie Umelecká beseda de Bratislava, mais elle n’a pas suscité de réaction majeure du public, en l’absence d’un débat plus large. Finalement, un débat pertinent a été lancé lors de l’exposition à Venise, en 1999.

Le premier projet, HELIOPOLIS (1968-1974), une ville olympique dans les Tatras, était comme les autres projets de VAL, très en avance de son temps. Ce n’est qu’aujourd’hui que leur prémonitions prennent tout leur sens et que des concepts qui n’étaient pas si étrangers à leurs conceptions sont mis en œuvre, comme par exemple une construction de 120 km de long et 487 m de haut pour 5 millions d’habitants dans la ville futuriste de Neom en Arabie Saoudite. HELIOPOLIS, avec sa surface habitable de 3 910 000 m2 et sa superzone climatisée, ses zones d’installations sportives, de randonnées estivales et hivernales, ou encore ses zones de silence hautement protégées et ses réserves de faune et de flore des Tatras, est en quelque sort un projet précurseur de Neom. Tout cela, bien sûr en utilisant l’énergie solaire. Comme l’ont écrit les membres de VAL à propos d’Heliopolis, il ne s’agissait pas là „d’une utopie, mais d’une recherche à la synthèse entre les exigences de l’homme et les possibilités de la nature“.

La salle de concert cinétique AKUSTICON (1969-1971), dédié à la mémoire de Miroslav Filip, est une sculpture monumentale qui permet à ses visiteurs de créer de la musique en se déplaçant eux-mêmes. Alex Mlynárčik a également créé son modèle au 1/4ème, entièrement fonctionnel. Aujourd’hui, la mise en œuvre du projet d’une hauteur proposée de 18 mètres et dont le diamètre maximum est de 13 mètres n’est plus une question de technologies disponibles, mais juste une question de finances.

HOMMAGE TO HOPE AND COURAGE (1974-1975) a été créé pour rendre hommage à un astronaute américain d’origine slovaque, Eugene A. Cernan. Le projet SCARABEA (1985-1989) est une station spatiale orbitale pour 12 000 habitants. Elle tourne autour de la Terre en suivant sa propre orbite, le diamètre de son cylindre étant 3000 mètres. La concrétisation d’un tel projet n’est plus une utopie. Il en va de même pour ISTROPORT (1974-1976) et ses 120 000 habitants une ville situé directement sur le Danube à Bratislava. ANTARCTICA (1982), dédiée au courage de l’exploration, proposait un monument de 25 mètres de haut pour la base néo-zélandaise de Scott. Le Parlement mondial – ASSEMBLÉE NATIONALE D’ARGILLIE (1980-1994) à Bora Bora, non loin de Tahiti, se voulait un lieu pour la résolution de conflits et la réconciliation.  Le dernier projet est E-TEMEN-AN-KI – SHERATON HOTEL BABYLON (1980-1994), référence à la Tour de Babel de Bruegel.

Tous ces projets on été élaborés avec soin et minutie, portant clairement les traces de la main et de l’esprit de l’artiste et des architectes. On y trouve des études urbaines, des vues sous différentes perspectives et angles, des plans, des coupes, des installations techniques et de transport, des références à des artefacts du passé tels que la Tour de Babel, le tableau de Peter Bruegel l’Ancien, une sphère en relief de Polynésie, l’aile de Léonard de Vinci, des œuvres d’art de Jérôme Bosch, l’œuf de Constantin Brancusi, des photographie du dernier alunissage du commandant de bord d’Apollo 17, Eugene A. Cernan, et ainsi de suite.

Je suis convaincu que ces projets d’anticipation n’ont pas encore été appréciés à leur juste valeur. C’est pourquoi nous sommes heureux de pouvoir les présenter à la Galerie de la Radio slovaque. Nous espérons que les projets de VAL attireront une attention méritée et nous sommes ravis de leurs donner par ailleurs une seconde opportunité de rencontrer leur public à la galerie du Kolektiv Cité Radieuse à Marseille, située au sein de l’Unité d’Habitation conçue par Le Corbusier et classée au Patrimoine mondial.

Ivan Jančár