En mars – Mois de la francophonie – l’Institut français de Slovaquie (IFS) rendra hommage à Arthur Rimbaud (1854-1891), classique de la littérature française, dont on célèbrera le 170e anniversaire cette année. L’IFS à Bratislava se joint ainsi au vaste cycle d’événements dédiés à Rimbaud organisé par nos collègues de l’Institut français d’Autriche à Vienne en juin 2023, à l’occasion du 150e anniversaire de la sortie du recueil Une saison en enfer. Du riche programme rimbaldien viennois, l’IFS a choisi de présenter l’exposition « Rimbaud, Explorateur – Photographies du poète vagabond », qui met l’accent sur un aspect méconnu du poète – son travail de photographe. L’Institut français de Slovaquie présentera cette exposition en version franco-slovaque, invitant ainsi le public slovaque à (re)découvrir l’artiste à l’aune de ce chapitre occulté de son œuvre. À cette occasion, l’IFS accueillera à Bratislava Hugues Fontaine – écrivain, voyageur, photographe et commissaire d’exposition  – pour donner une conférence autour de ses recherches sur Rimbaud comme photographe.

Partenaire principal de l’événement

Avant-propos pour l’exposition à Vienne

Rimbaud à Vienne : ce n’est pas la première fois que cette association s’impose dans l’histoire du poète et de la littérature. Si l’on en croit les lettres et les dessins potaches échangés entre Ernest Delahaye et Paul Verlaine, l’ami fidèle et l’amant tourmenté, deux témoins essentiels de sa jeunesse, Arthur Rimbaud séjourna quelques jours en Autriche, au cours d’une odyssée maritime et pédestre loin des contrées natales. Après la parution d’Une saison en enfer, en 1873, « l’homme aux semelles de vent » traverse Londres, Stuttgart, Milan, regagne Charleville, puis vogue vers Vienne, Rotterdam, Batavia, ancien nom de Jakarta, dans les rangs de l’armée hollandaise qu’il déserte aussitôt. Suivent Liverpool, Cologne, Hambourg, Stockholm, Alexandrie ou Larnaca, petite ville chypriote. Après un hiver ardennais, en 1880, il s’embarque à nouveau pour l’Orient, puis se fixe en Afrique. Quatre ans plus tôt, au printemps 1876, le passage par l’Autriche s’était soldé par un fiasco. Détroussé par un cocher viennois après une nuit d’ivresse, Rimbaud s’était retrouvé sans le sou, sommé par la police locale de quitter le territoire. Voilà matière à confirmer l’image du poète vagabond. Mais l’anecdote biographique n’épuise pas le sujet des liens de Rimbaud avec l’Autriche.

Son premier traducteur en langue allemande, Karl Klammer, est un natif de Vienne. En 1907, il propose une première anthologie de textes rimbaldiens dans une édition préfacée par un autre Viennois, Stefan Zweig, biographe de Verlaine et collectionneur de plusieurs manuscrits originaux d’Arthur Rimbaud qu’il conservera soigneusement jusqu’à sa mort aux côtés de manuscrits de Proust, Mozart ou Beethoven, autant de génies universels. Mais Rimbaud n’est pas seulement précoce. Il est l’enfant terrible de cette collection, un audacieux « conquistador », écrit Zweig, qui, à vingt-trois ans, connaissait « la dureté des paillasses de prisons et les averses de la forêt vierge ». C’est cet aspect de Rimbaud, assoiffé d’aventure et d’exil, que cette exposition entend mettre en valeur. « Rimbaud, Explorateur », voilà le thème central qui, à travers une série de photographies, conçue par Hugues Fontaine et présentée à l’ambassade de France en Autriche à l’occasion de l’édition 2023 de Foto Wien, s’impose pour souligner la passion de Rimbaud pour le voyage et la photographie.

Mais loin de se limiter à des portraits de l’auteur – médaillon de Carjat fixant l’adolescent fugueur des Ardennes ou dessin d’Isabelle Rimbaud, croquant son frère en musicien – cette série témoigne également d’un chapitre occulté de l’oeuvre de Rimbaud qui se rêva artisan des images après s’être voulu alchimiste du verbe. On connaissait déjà plusieurs autoportraits du voyageur établi en Abyssinie, mais ce n’était là qu’une preuve parmi tant d’autres des efforts de Rimbaud pour maîtriser l’art délicat de la photographie. En 2019, la découverte inattendue de trois clichés précieusement conservés par le Weltmuseum, à Vienne, et  attribuées à l’enfant de Charleville par l’ethnographe autrichien Philip Paulitschke, confirment l’intérêt et l’aura mystérieuse de son travail de photographe. C’est l’ambition de cette série d’images, alliant portraits et paysages autour d’un globe – symbole des pérégrinations infinies du poète – que de lever le voile sur le parcours méconnu de Rimbaud hors du vieux continent, poursuivant des chimères et recueillant la poésie du monde  ailleurs que dans les mots.

Hugues Fontaine

Tour à tour écrivain, voyageur, photographe, réalisateur et commissaire d’exposition, Hugues Fontaine fréquente la corne de l’Afrique et la Péninsule arabique depuis des années. Il est devenu, par ses publications, un spécialiste reconnu de l’histoire de la photographie de la fin du XIXe siècle dans ces régions.
On lui doit notamment les publications Un train en Afrique (CFEE/Shama books, 2012), Arthur Rimbaud photographe (Textuel, 2019) et Ménélik (Amarna, 2020), ainsi que des expositions au Musée d’art moderne de l’Université d’Addis Abeba (Alfred Ilg. The Engineer and the King, 2016), à l’Institut d’Études Éthiopiennes de l’Université d’Addis Abeba (Une passion géographique, 2018) ou au Carré d’Art de Nîmes (Rimbaud – Soleillet. Une saison en Afrique, 2019).
Son ouvrage le plus récent, Obock Tadjoura. Années 1880, a paru aux éditions Amarna à l’octobre 2023. L’administration des palais nationaux d’Éthiopie vient par ailleurs de lui confier la conception du scénario de la visite du Palais national d’Addis Abeba (Palais du Jubilé de Haïlé Selassié), dont l’ouverture est prévue pour 2024.